La galère de la veille m’avait au moins servi de leçon sur un point : admettre que j’avais emporté avec moi des objets inutiles. Et un objet inutile est un objet lourd, surtout en vélo.

Au revoir donc la pelle bois et acier (idéale pour déféquer en pleine nature sans laisser de dégoûtants vestiges et aussi pour fendre du petit bois pour le poêle), le poêle à bois pliant Bushcraft Essentials (jamais utilisé depuis le départ), une scie télescopique, deux petits livres (au cas oû pour tuer l’ennui), des t-shirts en trop. Une économie d’au moins 5 kilogrammes, si j’ajoute aussi l’appareil photo reflex !

Le surplus de matériel inutile.

C’est ce dernier objet qui me causa le plus d’hésitation. J’espérais grâce à lui ramener des souvenirs de belle qualité de mon voyage, mais son poids aurait été à prendre sur les milliers de kilomètres qui m’attendaient.
Mais son absence serait compensée par mon téléphone portable, capable de prendre des photos potables, mais à condition de ne pas zoomer.

Premier vrai petit sacrifice : fallait-il privilégier la qualité des photos, au risque de rendre le périple plus pénible qu’il pouvait être ? Ne risquais-je pas de raccourcir mes capacités d’endurance, et éventuellement rendre le trajet tellement atroce que je puisse vouloir l’abréger ou même l’abandonner ? Je choisis donc de préserver la mobilité au détriment de la richesse de l’information.

Pour me consoler de ce lâcher-prise, je pense à ceux qui partent effectivement en reportage, mais qui à l’inverse n’ont pas la contrainte de se déplacer en vélo, car déjà lourdement chargés.

Je remercie encore vivement mes hôtes pour leur accueil et tous leurs bienfaits, et je prends la route, en direction de la Loire.
Cette fois, je vais adapter la distance de l’étape pour ménager ma récupération : au lieu de Chateaubriand, ce sera Ancenis ma destination. Un camping s’y trouve et j’y poserai ma tente. Pas d’hôte pour ce soir, mais c’était prévisible, à moins de vingt-quatre heures de délai.

Je m’engage dans le massif des Mauges, et après Saint-Léger-sous-Cholet, je me retrouve encore dans un paysage familier, rencontré maintes et maintes fois, celui des routes et des chemins de campagnes, véritables dédales pour celui qui ne fréquente pas régulièrement le lieu.

La lenteur du vélo offre un espace de réflexion et de méditation assez faramineux au voyageur, pourvu qu’il accepte de s’y laisser emmener.

Je songeais donc à ce sentiment inattendu de déjà-vu, alors que je passais le long des barrières et des haies touffues, quasi certain d’avoir rencontré la même disposition, la même sensation visuelle dans une autre région… À croire que chacune possède son exemplaire d’allée boisée-qui-enserre-une-paisible-route-communale-en-bordure-d’une-ferme-à-chevaux.

Le relief n’est plus aussi exigeant que la veille, et j’avance d’un bon pied sur les pédales. Liré s’annonce comme ma prochaine étape. Heureusement que je voyage du sud au nord, car la descente qui s’achemine vers la Loire est longue et plongeante ! Et après Liré, la Loire, et immédiatement sur sa rive, Ancenis.

Le pont qui relie Ancenis à Liré, enjambant la Loire.

Il est 16:45 lorsque je traverse le fleuve. Arrivée au camping, douche, piscine, repos, et bonne nuit de sommeil.